Les faux amis en français, ces expressions qui nous piègent quotidiennement
Les faux-amis en français, qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ce sont ces personnes qui nous trahissent en amitié ? Ces personnes qui parlent mal de nous ? Eh non, détrompez-vous on est loin de traiter d’amitié ici. Dans cet article, on répond à la question mystérieuse des faux amis dans la langue française.
La langue française a subi l’effet de l’évolution du bas latin et du latin vulgaire vers le gallo-romain. Elle est ensuite devenue une langue administrative et juridique avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Depuis des siècles, elle évolue et subit de nombreux changements qui reflètent des transformations sociétales. La France, avec sa riche histoire de batailles, de guerres et d’invasions, est aussi l’endroit où se mélangent des cultures diverses et variées. On remarque dans la langue française beaucoup de traces d’autres langues, l’anglais étant l’une des langues dominantes dans cette classification. Ainsi, on parle d’anglicismes, mais aussi de faux amis. Si ce premier est plutôt auto-explicatif, le dernier provoque de la confusion. Évidemment, on peut parler de faux amis dans d’autres langues, comme en italien ou en espagnol, vu que ces langues appartiennent aussi à la famille des langues latines, mais il existe des intrus, des faux amis encore plus difficiles à identifier.
Un faux ami, ou la définition même du mensonge
Dans la langue française, on appelle des faux-amis les mots qui se ressemblent dans deux langues, par exemple le français et l’anglais, mais ne signifient pas la même chose. Alors que la question des faux amis peut nous paraître banale, en réalité elle peut compliquer la rédaction de nos mails, nous laisser perplexes et surtout être la source de maints malentendus dans les conversations avec nos amis étrangers, mais aussi francophones !
Les anglicismes sont de plus en plus présents dans les conversations des Français, et les Français utilisent de plus en plus de mots issus de la langue anglaise. C'est notamment pour cela qu’on utilise souvent des mots français en ayant en tête leur signification anglaise. Ainsi, on dit actuellement en pensant à l’anglais actually, en sachant pas forcément que ces deux mots n’ont rien en commun. On dit qu’on est excité, mais excited anglais ne signifie pas la même chose dans les pays francophones.
Les faux amis partiels ou absolus
Dans la classification de base, on distingue deux types de faux amis : partiels et absolus. Un faux ami partiel, c’est un mot dont l’écriture se ressemble entre deux langues, et les deux mots ont quelques significations communes, mais pas toutes. Un bon exemple d’un faux ami partiel est ricetta en italien qui se traduit comme recette de cuisine en français. Néanmoins, ricetta en italien peut aussi signifier ordonnance, la signification qui n’est pas présente dans le mot recette en français. Un faux ami absolu est un mot qui, malgré sa ressemblance à l’écrit, ne partage pas la même signification, ou plus encore : a une signification opposée à son camarade dans une autre langue. Pour donner un exemple de ce phénomène, on peut utiliser le mot anglais inhabitable qui signifie “habitable”. Il est alors un faux ami du même mot en français, puisque inhabitable en français désigne un endroit difficilement habitable, qui justement n’est pas habitable. Absolument opposés !
Les dictionnaires de faux amis, ou comment repérer ces mots trompeurs
Afin d’aider les utilisateurs de deux langues à éviter les erreurs et leur permettre d’écrire sans fautes, les dictionnaires des faux amis ont été créés. Parce que oui, il y a en effet besoin de tout un dictionnaire pour rassembler les faux amis qui sont assez nombreux : un tel dictionnaire compte environ un millier d’entrées. Il y a des dictionnaires qui peuvent s’avérer plus utiles que d’autres : certains restreignent les faux amis aux mots dont l’étymologie est commune, et d’autres apportent, en plus, des compléments d’information sur la façon d’exprimer en français la notion suggérée par la forme du faux ami anglais : par exemple angl. distraction = fr. folie, mais fr. distraction se dit soit absentmindedness, soit entertainment, pastime, en anglais. Parce que ce sont les mots anglais qui, le plus souvent, sont une source de malentendus pour les Français. Vous vous demandez pourquoi ? Et bien, la réponse vient assez vite : cela commence avec l’invasion normande en 1066, la France et l’Angleterre ont été pendant longtemps liées sur les niveaux linguistique et culturel. Même encore aujourd'hui, environ 30% des mots dans un dictionnaire anglais de 80 000 mots est d’origine française. Ce n’est alors pas étonnant qu’il y ait des mots qui soient présents dans les deux langues mais dont la signification a changé au fil du temps ou ont été empruntés, mais jamais bien compris, et sont restés ainsi.
L’anglais et le français, des bons ou des faux amis ?
Cependant, il ne faut pas oublier que malgré qu’il existe des similarités entre les deux langues, ce sont des entités indépendantes avec des phonologies et des lexiques bien formées pendant des centaines d’années, et bien distinctes l’une de l’autre. Henriette Walter dans son article Les “faux amis” anglais et l'autre côté du miroir dit : « chaque unité d’une langue donnée prend sa valeur en fonction des autres unités de cette même langue. Elle ne peut donc équivaloir en principe à une unité lexicale d’une autre langue malgré l’identité de forme, ne serait-ce que graphique ». Ainsi, même si linguistiquement l'anglais et le français ne sont pas si différents, il ne faut quand même pas oublier que l’anglais est une langue du groupe des langues germaniques, alors que le français appartient à celui des langues latines, aussi appelées romanes.
Cependant, le doute est présent même s’il s’agit des langues latines. Ainsi, on voit une pléthore de faux amis entre le français et l’espagnol. On peut notamment énumérer l’innocent attendre français qui en espagnol devient esperar. En Espagne, on utilise le mot atender pour dire “prendre soin” ! On rencontre le même problème avec d’autres mots, comme le français demander qui en espagnol se dit pedir. Le demandar espagnol signifie “poursuivre” !
Des bons amis depuis longtemps, ou l’histoire des emprunts et des voyages linguistiques
Il y a pourtant des mots dont la signification est la même dans les deux langues. Même si cela est tentant, on ne peut pas vraiment parler de bons amis. À l’exception d’un ouvrage L’anglais de base de Claude-Jean Bertrand et Claude Lévy ! Les deux écrivains classifient les mots anglais en trois catégories :
- les faux amis
- les formes ordinaires
- les vrais amis
Même si rarement utilisée, cette classification peut vous être très utile et vous permettre d’améliorer votre orthographe et possiblement d’enrichir votre vocabulaire.
À cette liste des bons et vrais amis s’ajoutent des mots étrangers pour les deux langues dont la signification est la même. Ainsi, on peut énumérer parmi eux les mots comme aficionado, chipolata, geisha, lasso, bazooka, igloo, quartz, zen ou encore tango.
On parle aussi des bons amis “apparentés”, soit les mots qui partagent la même racine et dont la forme identique a été transmise dans les deux langues, soit du français à l’anglais, soit de l’anglais au français. Ce sont des mots comme abattoir, discipline, dealer ou jockey.
La dernière catégorie de ce groupe optimiste de bons amis concerne les “réemprunts”, les mots qui, pendant des siècles, ont fait des allers-retours entre deux langues. Initialement français, ils ont été empruntés par l’anglais pour enfin revenir en français avec une signification nouvelle et changée. Ainsi, on compte parmi ces mots le très actuel briefing, dans l’ère de la start-up nation : venant du français brief, et même du latin brevis, il a été emprunté par l’anglais et a pris au XVIIe siècle le sens de résumé des faits à un procès. Puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, le briefing a désigné la séance d’information réunissant les aviateurs partant en mission. Ainsi est-il utilisé aujourd’hui pour nommer une réunion d’information dans le domaine des affaires. On peut compter dans ce groupe d’autres mots qui nous sont très bien connus, comme budget, fiction ou interview.
Les faux amis : l’ennemi des étudiants, le cauchemar des jeunes professionnels
Ce phénomène est très présent dans la langue française et peut poser un vrai problème dans le milieu scolaire : les faux amis peuvent représenter une réelle difficulté pour les jeunes qui apprennent l’anglais et d’autres langues ! C’est eux qui vont être tentés d’abuser (ce mot est lui aussi un faux ami d’ailleurs !) d’actually et d’eventually en anglais, c’est eux qui, après toute une journée passée sur des sites anglais (Netflix, Amazon,...), vont avoir des difficultés à distinguer les deux langues et à remarquer leurs différences subtiles. Mais seront aussi concernés les jeunes professionnels qui travaillent souvent avec des partenaires étrangers, qui participent à des meetings, des sprints, des calls, qui doivent respecter les délais (ou meet the deadlines...). C’est eux qui sont principalement menacés par cette faute de sens dans un mail important. Ainsi, les faux amis peuvent vite devenir une source de malentendus mais aussi de situations gênantes et il vaut mieux les éviter dans votre vie professionnelle (il vaudrait sans doute mieux les éviter tout court).
Les faux amis révélés au grand jour, ou la solution à ce problème d’amitié
Comment alors résoudre ce problème qui, malgré le fait qu’il paraisse banal, est en fait extrêmement pertinent à l’ère où toutes nos communications deviennent écrites ? Malheureusement, il n’existe pas une seule bonne solution qui serait à la fois rapide et facile. Malheureusement, la meilleure solution pour distinguer les faux amis des vrais amis (ou des formes ordinaires si on utilise la classification de Claude-Jean Bertrand et Claude Lévy) est d’utiliser par un dictionnaire papier (mais on sait bien que vous n’en avez ni le temps ni l’envie) ou un dictionnaire en ligne. Mais pas de panique ! N'oubliez surtout pas que les faux amis, malgré qu’ils soient présents dans la langue française, sont néanmoins en minorité. Ainsi, on peut tranquillement continuer d’utiliser les mots qualifiés comme de vrais amis... mais aussi faire des erreurs en utilisant des faux amis qui, une fois mal utilisés, vont s’ancrer (on espère) dans notre mémoire en prévenant les futures erreurs. Selon le linguiste allemand Horst G. Klein, « il est temps de changer radicalement la façon de voir les faux amis dont on a longtemps surestimé le danger ». Dans son article L'anglais, base possible de l'intercompréhension romane ? il continue : « l’avantage pour l’apprenant est environ cinq fois plus grand que le prétendu dommage qui est de toute façon minimisé, sinon annulé par la contextualisation ». Ainsi, Klein souligne l’importance et la valeur éducative de ces erreurs, ou ces découvertes erronées. Ce qui compte, c’est la reconnaissance d’un terme, et non le risque de transfert négatif. On peut alors enrichir notre vocabulaire et apprendre à écrire sans fautes... en faisant des erreurs ! La reconnaissance des termes qualifiés comme des faux amis peut nous aider à en identifier d’autres dans le futur, et à les mémoriser.
Et si vous êtes perfectionniste, améliorez votre orthographe et élargissez vos connaissances à l’aide des dictionnaires ou des sites dédiés, comme fauxamis.fr, qui offre une classification des faux amis par catégorie. Là, vous pouvez analyser des faux amis du côté du lexique, mais aussi de la morphologie, de la grammaire, ou de la typographie. Une vraie mine d’or (et d’amis ?).